Version écourtée d'un article issu du site du réseau PÉRISCOPE (Plateforme Échange, Recherche et Intervention sur la SCOlarité: Persévérance Et réussite).
Dès leur plus jeune âge, les enfants observent les adultes et contribuent graduellement aux activités de leur communauté en fonction de leurs possibilités. C’est par cette participation qu’il·elle·s apprennent en collaboration avec différents acteurs de leur entourage. Il·elle·s apprennent à parler, à marcher, mais également à se servir d’ustensiles, d’une brosse à dents, de crayons à dessiner, etc.
Pourrait-on s’inspirer de ces situations d’apprentissage informel pour penser l’école d’aujourd’hui ?
C’est en prenant part aux activités familiales et à celles de leur communauté que les enfants réalisent ces apprentissages qui nous semblent naturels. Le principal apprentissage de ce type est celui de l’apprentissage de la langue maternelle. En participant à la vie de sa famille et en interagissant avec ses proches dans la vie quotidienne, l’enfant apprend graduellement à se servir du langage oral. Au fur et à mesure de ses apprentissages, il pourra avoir des conversations de plus en plus étoffées et la nature de sa participation aux conversations se transformera. Ces situations d’apprentissage informel ne s’arrêtent cependant pas au moment d’entrer à l’école.
Barbara Rogoff, professeure et chercheuse au département de psychologie de l’Université de Californie (University of California - Santa Cruz), souligne l’importance de renforcer l’esprit coopératif à l’école afin d’offrir aux enfants de nombreuses occasions d’observer et de participer aux diverses activités auxquelles on souhaite les voir prendre part. Le modèle d’organisation des apprentissages qu’elle propose pourrait être traduit par «Observer et commencer à contribuer pour apprendre».
Dans un récent article (2014), Rogoff schématise sa proposition sous la forme d’un prisme à 7 facettes. Chaque facette correspond à un aspect de sa définition de l’apprentissage et qui ne peut être envisagé individuellement tant ils sont tous interdépendants :
Apprendre, c’est participer à une communauté !
Rogoff propose de définir l’apprentissage comme se manifestant par la transformation de la participation à des projets collectifs dans lesquels l’apprenant est engagé. En ce sens, apprendre c’est participer pour répondre aux attentes de la communauté mais également y contribuer pour prendre part à son développement. Mais si apprendre, c’est participer à une communauté, il faut en avoir l’occasion ! Il faut que l’on soit invité à prendre part aux projets auxquels notre communauté (par exemple scolaire) souhaite nous voir contribuer.
La proposition de Rogoff est d’impliquer adulte et enfants de différents âges dans des projets communs. Ces projets seraient des occasions pour les enfants moins familiers avec la tâche en cours d’observer les autres agir. Les moments d’observation réalisés avec l’intention de pouvoir à son tour contribuer consistent en des moment d’apprentissage. Cela nous amène à réfléchir à notre conception de l’observation
Lorsque Rogoff propose de ramener l’esprit communautaire à l ’école et d ’envisager l’apprentissage comme la transformation de la participation aux projets de la communauté, il s’agit également de revoir cette ségrégation entre adultes et enfants qui imprègne notre société. Elle propose de redéfinir la relation hiérarchique où l’adulte indique à l’enfant ce qu’il doit faire pour les considérer comme des acteurs tous deux engagés dans divers projets dont ils partagent la responsabilité.
Dans notre société, le rôle des enfants diffère de celui des adultes, les seconds dirigent généralement les actions des premiers. Cette hiérarchie ancrée entre adulte et enfant pourrait expliquer que les enfants perdent l’habitude qu’ils ont, tout petits, d’observer activement en vue de participer aux activités de leur communauté. À l’opposé, il peut être difficile pour les adultes (et particulièrement les enseignants) de changer de rôle et d’envisager de laisser un enfant prendre un rôle de guide dans une activité commune.
Les travaux de Rogoff lui ont également permis de comprendre que cette hiérarchisation ancrée dans notre société pouvait entraver
l’apprentissage de la collaboration entre enfants. Dans une de ses recherches, elle proposait
à des équipes de deux ou trois enfants de résoudre un casse-tête ensemble. Les
enfants provenant d’un milieu ou la hiérarchie adulte-enfant est fortement ancrée rencontraient
plus de difficultés à collaborer : certains enfants pouvaient par exemple écarter
leurs condisciples de la tâche et s’y atteler seul ou encore, prendre le rôle du «patron» et
indiquer aux autres quoi faire. Au contraire, les équipes d’enfants provenant de cultures
moins hiérarchisées (civilisations indigènes) s’attelaient à la tâche ensemble : sans avoir
besoin d’échanger beaucoup de mots, leurs gestes se coordonnaient quasi naturellement.
En milieu scolaire, on peut fréquemment observer des enfants qui demanderont à l’enseignant de confirmer les
propos d’un autre élève avant de les accepter, comme s’il ne pouvait apprendre que de l’enseignant. Redéfinir les
rôles devient alors indispensable pour penser un environnement scolaire où l’on apprend en participant à une
communauté, où l’on peut apprendre aux côtés de chacun de ses membres, adulte ou enfant.
Bien sûr, il s’agit là d’une réflexion qui dépasse les frontières de l’école.
Toutefois, il faut commencer quelque part et si les enfants de nos sociétés prennent exemple sur
nous, n’est-ce pas par nous, adultes, que ce changement peut s’opérer?
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